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L'industrie du troisième millénaire

  in Le Monde Argent - 2 octobre 2005

« Aujourd'hui, les prix et la reconnaissance critique d'un artiste s'établissent avant toute chose en galerie. »

 

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Enquête

Comment s'orienter dans un art aux contours imprécis

L'art contemporain suscite souvent des réactions de fascination, d'interrogation ou de scepticisme. Dans son ouvrage L'Art contemporain, mode d'emploi (Filipacchi, 2004), Elisabeth Couturier rappelle que "les oeuvres estampillées art contemporain mettent à l'épreuve la notion du bon et du mauvais goût, l'idée du beau et du laid, le principe de rareté et de pérennité. Et parfois même les notions d'originalité et d'avant-garde".

Pour se familiariser avec cet art aux contours imprécis, la fréquentation assidue des expositions et la lecture d'ouvrages spécialisés s'imposent. Les compilations du type Art at the Turn of the Millenium (Taschen, 1999), supposées recenser les meilleurs artistes d'une époque, ne sont pas forcément de bon conseil. "Il faut savoir que sur les 100 meilleurs artistes d'une année, il n'en reste que deux, indique le galeriste Georges-Philippe Vallois. Les périodes d'euphorie sur un artiste ne durent que trois ou quatre ans."

Pour preuve la chute des prix de l'Américain Julian Schnabel, pourtant au septième rang des artistes de moins de 45 ans les plus cotés en 1990 (source Artprice). Une de ses toiles, Le Portrait de David McDermott, adjugée l'équivalent de 191 842 euros en 1990, s'est contentée de 90 424 euros une fois remise en vente en 2001. De même, en mai 2005, La Fiancée de Belmondo, du peintre français Robert Combas, s'est vendue 21 000 euros chez Tajan. Une enchère bien éloignée des 68 602 euros d'avril 1990.

Les événements comme la Foire internationale de l'art contemporain (FIAC) peuvent aussi avoir des vertus pédagogiques. Mais à trop voir et revoir les mêmes artistes sur les Salons, on en vient à conclure qu'ils sont forcément bons. Mieux vaut se garder de jugements hâtifs dictés plus par l'accoutumance que par la réflexion.

L'apprentissage de l'art contemporain se fait surtout par des visites en galeries. Le guide Bill'Art (Dissonances, 2004) répertorie les galeries à Paris et en province en décrivant brièvement leur esprit et leur programmation artistique. Depuis quelques années, on voit fleurir des concepts jouant sur la fibre conviviale. C'est notamment le cas de la Toast Gallery, qui propose, à Paris et à Bruxelles, des oeuvres d'une centaine d'artistes dans une fourchette de 50 à 1 500 euros. Aussi sympathiques que soient de telles initiatives, la qualité n'est pas toujours au rendez-vous.

Et concernant les ventes publiques ? Dans les ventes américaines ou britanniques, les oeuvres contemporaines s'avèrent parfois plus chères qu'en galerie. "Il est très compliqué d'acheter des jeunes artistes dans les galeries américaines qui vendent à leurs propres collectionneurs. La vente publique en facilite l'accès", remarque Grégoire Billault, spécialiste de Sotheby's. Orientées sur l'immédiat après-guerre, les ventes parisiennes proposent rarement une offre très actuelle.

Les ventes dites de "jeune création contemporaine" ponctuent souvent le calendrier de Drouot. La prochaine en date, organisée le 8 octobre par Ader, présentera une centaine d'artistes pour des estimations de 40 à 4 000 euros. On peut certes se faire plaisir avec une oeuvre décorative et bon marché. Néanmoins, il serait illusoire de penser y trouver les grands créateurs de demain.

Il en va de ces vacations comme des ventes d'atelier : elles créent artificiellement une cote. Les ventes d'atelier ont pourtant dans leurs annales de prestigieux antécédents. En mars 1875, Claude Monet, Berthe Morisot, Auguste Renoir et Alfred Sisley ­ refusés des Salons officiels ­ avaient mis en vente 70 tableaux et aquarelles à Drouot. De telles ventes étaient alors nécessaires car le nombre de marchands actifs était restreint. Aujourd'hui, les prix et la reconnaissance critique d'un artiste s'établissent avant toute chose en galerie.

Quel que soit le canal choisi pour acheter de l'art contemporain, une mise en perspective historique est nécessaire. Cet exercice évite de surpayer des pastiches. Un oeil averti n'aurait peut-être pas misé 354 700 dollars (294 674 euros) chez Christie's en novembre 2004 sur une oeuvre de Richard Pettibone, clin d'oeil à l'artiste Jasper Johns.

Reste enfin à déterminer quand un artiste devient trop cher. "A partir d'un certain prix, qui évolue selon les bourses de chaque collectionneur, il vaut mieux acheter une oeuvre d'art moderne qu'un jeune artiste. Ça n'a plus de sens, sinon", observe le collectionneur français Antoine de Galbert. Lorsque les peintures de Marlene Dumas, née en 1953, atteignent les prix du grand expressionniste norvégien Edvard Munch (1863-1944), il est temps de se poser la question !

FIAC (Foire internationale d'art contemporain), du 6 au 10 octobre, halls 4 et 5.1, Paris Expo, porte de Versailles. Rens. : 01-41-90-47-80.

Roxana Azimi

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