ServerGroup Click here for the English Site
L'industrie du troisième millénaire

  in LA VIE FINANCIERE, du 19 au 25 OCTOBRE 2001

 

  HISTOIRE D'ARGENT
Féroce marché de l'art
   

Nutrisco et Extinguo

« Le marché de l'art, c'est le marché financier en dix fois plus intelligent et féroce », risque enfin Thierry Ehrmann.

« Je n'aime pas parler d'argent », lance d'emblée Yvon Lambert, qui tient une galerie d'art dans le Marais à Paris, depuis plus de quarante ans. Il est à l'origine de la carrière de nombreux peintres, dont certains vendent aujourd'hui leurs œuvres plusieurs millions de francs. Pourtant, Yvon Lambert esquive les questions pécuniaires. « Ce qui m'intéresse, c'est le travail de l'artiste. »
L'attitude de ce marchand réputé ne jure pas dans le milieu feutré des galeristes.On se passionne pour une œuvre d'art, en évitant toute considération financière. L'argent de l'art, question triviale ? Pourtant, si le talent parle de lui-même, pourquoi Orange Marilyn (120 millions de francs) vaut-il six fois plus cher que Shot Red Marilyn, tous deux d'Andy Warhol, de 1964 et de format 1 X 1 m ? A moins de rester sur le marché primaire, où les premières œuvres sont accessibles autour de 50 000 francs, le prix de l'émotion relèverait de la plus belle utopie ! Passée la barre des 100 000 francs, en effet, l'acheteur investit sur le marché rationnel de l'art. Les artistes promus dans ce cercle bénéficient d'une visibilité internationale. A l'instar de la Bourse pour les sociétés, ces ventes confèrent une valeur à l'artiste et ce qui compte, avant l'œuvre, c'est le créateur et son parcours. « Le marché de l'art est un flux d'informations très pertinent, peuplé de grandes instances qui légitiment un artiste », constate Thierry Ehrmann, président du Groupe Server et d'artprice.com. De même que l'artiste n'existe que par une biographie consistante, un grand marchand se juge à la surface (physique) de son fonds (information et stock), équivalant à deux fois et demie sa surface de vente !
De ce fait pour un artiste, exposer dans un musée, c'est (re)dorer sa cote. Et susciter l'intérêt de grandes galeries telles que Sonnabend à New York, c'est le début de la gloire ! En fait, les marchands le placent dans les musées, surveillent sa cote et interviennent pour en réguler le cours. L'artiste gagne alors dix à vingt ans de carrière. A côté d'eux, les taste makers, tel Saatchi, publiciste et grand collectionneur anglais, lancent les modes. Un business !
Qu'on se rassure, le talent reste primordial, tout autant que la cohérence de l'œuvre. Si l'artiste doit produire, il doit aussi gérer sa création. D'autant qu'une mauvaise série peut plomber la cote d'un créateur, au point que certains —Ben et Armand en tête— rachètent les œuvres de leur période dite « critique ». « On reconnaît les chefs de file, artistes majeurs qui créent le langage, à leur capacité à innover », souligne Arnaud Cornette de Saint-Cyr, commissaire-priseur. Ainsi la cote de Warhol, icône du pop art, ne cesse de grimper. « Une Chaise électrique a été vendue en juin dernier à Londres quelque 16 millions de francs, soit quatre fois sa valeur estimée », constate Grégoire Billault, expert chez Sotheby's France. Preuve s'il en est, que ce marché structuré n'est pas à l'abri d'une part d'irrationnel ! Ce tableau, en parfait état, n'avait pas ou peu changé de mains. Le rêve des collectionneurs !
« Le marché de l'art, c'est le marché financier en dix fois plus intelligent et féroce », risque enfin Thierry Ehrmann. Aux aguets, les grandes instances de ce petit monde anticipent jusqu'aux tragédies. Elles auraient parié sur la mort de Jean-Michel Basquiat —protégé de Warhol et victime de diverses drogues— de son vivant, jusqu'à faire monter sa cote. Acheter au bon moment et au juste prix est aussi complexe que d'investir en Bourse. Nouvelles et rumeurs font aussi le cours des œuvres d'art.

ANNE MICHEL
copyright ©2001 LA VIE FINANCIERE

PRESENTATION
SOCIETES
PARTICIPATIONS
LA BOURSE
REVUE DE PRESSE